Internationalisation et industrialisation


Le Sahaj Marg à la conquête du monde (1984-2004)

(Mise à jour le 21 avril 2014)

Parthasarathi Rajagopalachari, surnommé Chari ou plus affectueusement Chariji par ses disciples, est en quête d'une légitimité qui lui manque. Il connaît bien la culture occidentale et la maîtrise parfaitement. Diplômé d'une licence scientifique, il a séjourné deux ans en Yougoslavie puis commencé à travailler dans l'ingénierie chimique. Rapidement, il a intégré le conglomérat industriel indien TTK & Co de Krishnamachari, d'où il dirige sa filiale Indian Textile Paper Tube jusqu'à sa retraite en 1985. Son travail l'a ainsi amené à parcourir le monde à de nombreuses reprises, représentant son pays lors d'une Conférence internationale sur les normes ISO en Suisse entre autres. Habile chef d'entreprise, il sait parfaitement diriger les hommes et gérer ses affaires.

Sans cesse en voyage, il parcourt tous les continents, faisant de l'Occident sa tête de pont. Il courtise ses disciples et ils sont vite subjugués par cet homme. Ils le trouvent charismatique et doté d'un regard étrange, à la fois pénétrant et troublant, en un mot fascinant. Ils le suivent partout, se pressent à ses pieds, lui demandent son avis sur tout et n'importe quoi et affichent son portrait chez eux. Les germes du culte de la personnalité sont tous là, il va savamment les exploiter pour renforcer son pouvoir d'attraction et la dépendance de ses disciples qui se transforment progressivement en adeptes asservis.

Il modifie la pratique spirituelle, sa définition et son histoire pour qu'elles répondent mieux à ses besoins. Une fois la pratique codifiée et ritualisée, la légende instaurée et le produit spirituel bien standardisé, la marque Sahaj Marg™ est déposée à l'Agence américaine du Département du commerce (U.S. Patent & Trademark Office) le 29 juillet 1997. Pour couronner le tout, les statuts de la SRCM, société californienne, sont déposés dans la foulée.

Rajagopalachari nomme des précepteurs à tour de bras, non plus sur leur profil spirituel mais en fonction de leur ambition et de leur arrivisme. Il pratique alors un prosélytisme débridé, leur demandant de recruter sans cesse de nouveaux adeptes. Selon Babuji, l'objectif était d'atteindre la taille critique nécessaire au basculement de l'humanité dans la spiritualité. Il galvanise donc ses troupes de précepteurs après les avoir préalablement culpabilisées pour leurs manques de résultats. Ils doivent faire du chiffre, toujours plus de chiffre, rien que du chiffre. Les précepteurs sombrent alors dans l'angoisse de déplaire au maître, de ne jamais en faire suffisamment pour mériter son affection. Un mal-être permanent qu'il entretient soigneusement.

La stratégie de séduction des Occidentaux utilisée par Rajagopalachari ainsi que ses méthodes de management s'avèrent payantes si l'on en croit les chiffres avancés par les uns et les autres. Lalaji avait 100 à 200 disciples, Babuji environ 3 000 et 180 précepteurs. Rajagopalachari porte ce nombre à 20 000 en 1991, 50 à 55 000 vers 1995-97 et 75 000 en 2000 avec environ 1 500 précepteurs. De nombreux centres sont ouverts au Danemark, en France et en Suisse, au Canada et aux Etats-Unis, en Afrique du sud, en Australie, en Malaisie et à Singapour ou à Dubaï.

Fort de son succès occidental, Rajagopalachari revient donc tout puissant en Inde en 1999 pour fêter le centenaire de la naissance de Babuji. Le 30 avril, il inaugure le Babuji Memorial Ashram, à Manappakam dans la banlieue de Chennai, un ashram de cinq hectares qui peut accueillir 13 000 personnes à l'intérieur de son hall de méditation.

De son côté, la Shri Ram Chandra Mission de Shahjahanpur n'a pas connu le même succès. Elu en 84 puis réélu en 90, Srivastava a publié la seconde partie du journal de Babuji (mai 44 à juin 55) en trois volumes qui paraissent de 1987 à 89. En 1994, Umesh Chandra Saxena a été élu à la place de Srivastava, mais rapidement il ne fait plus l'unanimité. Il ne travaille pas, utilise l'argent de la Mission pour soutenir le train de vie de sa famille et invite des politiciens véreux pour des fêtes tapageuses. Raghavendra Rao et Srivastava prennent leurs distances, de même qu'André Poray en France.

Les défections n'ont pas épargné non plus le clan de Rajagopalachari. KC Narayana, qui avait repris la tête du Sahaj Marg Research Institute créé par son père, abandonne son poste en 1991 pour fonder l'Institute of Sri Ramchandra Consciousness (ISRC) à Hyderabad. Il reproche à Rajagopalachari de laisser se développer le culte de la personnalité et se refuse à lui reconnaître le titre de représentant spirituel de Babuji. Kasturi Chaturvedi dit à peu près la même chose lors d'un discours mémorable le 30 avril 95 devant les adeptes de Rajagopalachari assemblés à Chennai. N'ayant jamais joué de rôle administratif, elle prend encore un peu plus de distances et se retire à Lucknow.

En réalité, Rajagopalachari n'a jamais été complètement absent de son pays, mais il s'est cantonné dans son fief du sud à Chennai. Pour asseoir sa légitimité, il fait figurer sur la liste de ses précepteurs des célébrités comme Kasturi ou le petit-fils de Lalaji, Dinesh Kumar Saxena, avec ou sans leur consentement. Il développe des relations fort utiles avec des personnalités indiennes de poids. Il intègre à son propre comité de travail des représentants de la justice, des fonctionnaires de police et des entrepreneurs.

Fort de ses appuis intérieurs et de l'argent qui lui vient de ses troupes occidentales, il n'hésite pas à reprendre de force des ashrams tenus par ses adversaires. Ainsi dès 1984-85, ses sbires s'emparent des ashrams de Visakhapatnam, Nellore et Vadodara. En 88, c'est au tour de l'ashram d'Allahabad puis en 91 de Delhi et Moradabad, jusqu'à une première tentative avortée à Shahjahanpur même en 97.

Si l'on en croit le principal intéressé, le retour de Parthasarathi Rajagopalachari en Inde connaît un succès foudroyant et est couronné par une victoire à plate couture sur son organisation rivale, la Shri Ram Chandra Mission de Shahjahanpur. En 2003, il annonce que le nombre de ses disciples a été multiplié par trois en trois ans. De 75 000 en 2000, il serait passé à 200 ou 300 000 dès 2003-04.

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